Tout, tout de suite de Morgan Sportès

Petit bijou trouvé au rayon français de ma bibliothèque, je ne savais pas encore que je venais de choisir un livre aussi passionnant.
L’auteur, Morgan Sportès, reconstitue au travers de ce roman la genèse et l’histoire de ceux qui ont été affublé du surnom de « Gang des Barbares ». Souvenez-vous en 2006 cette histoire de kidnapping qui avait défrayé la chronique sous fond de violence, barbarie et d’antisémitisme.

Tout, tout de suite n’est pas un roman de grande littérature et usant de grandes phrases Proustiennes et de longues envolées lyriques. L’auteur s’est emparé d’un style précis, clinique, vraisemblable (certains critiques diront que le jeu du langage argotique de banlieue est trop artificiel … il ne m’a pas gêné mais lui a donné au contraire une valeur polyphonique) pour faire ressortir des vérités, essayant d’élaborer un semblant d’explication sur ce qu’a été le gang des Barbares. Les choses sont en effet rapidement remises dans leur contexte lorsque l’auteur nous rappelle que les criminels que les médias ont qualifiés de barbares en jouant sur le sensationnalisme sont avant des hommes comme les autres, des « loosers ». Etudes parfois ratés. Petits boulots à la chaîne. Avenir imprécis. Vies passées dans les tours et les banlieues parisiennes. Cette horde d’hommes comme les autres pour ne pas dire banals est menée par Yacef. Drôle de chef de bande qui rate presque tous ces coups. Charismatique, manipulateur, violent, instable, pauvre intellectuellement, c’est lui qui les rassemble et les façonne en gang. Et c’est avec ce gang qu’il se décide á kidnapper un Juif pour demander une rançon : car, pour lui, c’est une certitude : les juifs sont tous riches et s’ils ne le sont pas, ils sont une communauté solidaire. Sa vérité le conduira à kidnapper Elie.

C’est cette vérité d’un antisémitisme banal, ordinaire et malheureusement répandue au sein d’une jeunesse désœuvrée qui servira de justification. Ils n’avaient pas encore frappé de Juifs, ils n’avaient pas brûlé de synagogue. Non, avant tout cela, ce n’était que préjugés. Rien de bien méchant, pas vrai ? Mais, il s’agit pourtant d’antisémitisme … un crime. Quant à la violence, elle est partout présente dans ce roman. Psychologique, physique. Menaces. Passage à tabac. Elle fait partie du paysage des tours de banlieue. Faites de la prison et vous serez un grand. Battez-vous et faites-vous respecter. Ont-ils conscience de la réalité ? Nul ne le sait mais il n’a fallu qu’un petit coup de pouce du destin pour les faire gravir les échelons de la violence pour sombrer dans la barbarie. A couper le souffle.

Le roman se veut polyphonique. Nous passons par les souffrances d’Elie, par les paroles des geôliers et leur revendication d’humanité (le passage du Macdo m’a tout simplement bluffé) pour aboutir à l’apogée de la violence. Par les gestes. Par le silence. Ces personnes normales, ordinaires, banales sont devenues des Démons, des monstres. Comment en sont-elles arrivées là ? Tout cela a semblé si facile ? Nous avons suivi leur ascension dans l’échelle de la violence pour finalement en arriver là. Choqué.

Ce roman ne se veut pas moralisateur. L’auteur nous laisse tout simplement là, à la fin de celui-ci. Il nous abandonne et nous laisse avec cette vérité qui fait mal, qui fait peur, qui révolte. Un bijou moderne.

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